Travail isolé : tour d'horizon juridique

Lois, décrets, règlements : le travail isolé est régi par beaucoup de textes officiels.

Même s’il n’existe pas de définition explicite du travail isolé dans les sources juridiques, de nombreux textes encadrent son exercice. Les mentions du travail isolé y sont multiples mais surtout disséminées.

Il nous a semblé utile de répertorier ici l’ensemble des articles législatifs et réglementaires régissant le travail isolé.

Définition du travail isolé

Pour mémoire, c’est la CNAMTS (Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés) qui donne la définition la plus précise du travail isolé. 

La recommandation R 416 concerne la prévention des risques liés au travail isolé et dangereux dans le secteur des pierres et terres à feu. Elle est entrée en application le 1er juillet 2005.

Le travail isolé y est défini comme une situation où le travailleur est “hors de vue ou de portée de voix d’autres personnes, sans possibilité de recours extérieur, et que le travail présente un caractère dangereux”.

Bien que le travail isolé ne soit pas un risque en soi, il peut augmenter la probabilité d’un accident et la gravité des conséquences. L’isolement peut aussi entraîner des changements d’attitude ou de comportement qui peuvent conduire à des réactions inadaptées et à un accident.

La recommandation préconise des mesures de prévention spécifiques au travail isolé, en complément des mesures propres aux risques eux-mêmes. Elle propose une approche par étapes :

  • Repérer les situations de travail isolé lors de l’évaluation des risques et analyser les conséquences potentielles pour le travailleur isolé et d’autres personnes.
  • Mettre en œuvre des mesures de prévention en suivant l’ordre de priorité suivant :
    • Supprimer le travail isolé
    • Réduire le travail isolé s’il ne peut être supprimé en diminuant le nombre et la durée des interventions, en aménageant les postes et les lieux de travail, en mettant en œuvre des moyens de protection collective et individuelle, en établissant des consignes, en formant et informant le personnel.
    • Mettre en œuvre des moyens d’alerte, tels qu’un dispositif d’alerte pour les travailleurs isolés, une surveillance à distance ou des passages périodiques d’une autre personne
    • Prévoir des dispositions pour les secours, notamment un plan d’intervention, le matériel nécessaire, des équipes de secours organisées et formées, ainsi que l’information et la formation du personnel
  • Revoir l’évaluation des risques et la pertinence des mesures de prévention régulièrement et en particulier  lors d’un changement dans l’organisation du travail.

TRAVAIL ISOLÉ

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Principes généraux de sécurité au travail

Le code du travail impose à l’employeur une obligation de sécurité.  

Article L4121-1

L’article L4121-1 stipule l’obligation générale de l’employeur d’assurer la sécurité et de protéger la santé de ses salariés. Il impose la mise en place de mesures de prévention pour éviter les risques professionnels, ce qui inclut la gestion des risques associés au travail isolé.

“L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.”

Article L4121-2

L’article L. 4121-2 énonce les principes généraux de prévention des risques professionnels. L’employeur doit notamment éviter les risques, les évaluer, les combattre à la source et adapter le travail à l’homme.

“L’employeur met en œuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.”

Articles R4321-1 à R4321-5

Dans la partie réglementaire du code du travail, dans le Livre III consacré aux Equipements de travail et moyens de protection, il est indiqué que l’employeur met à la disposition des travailleurs les “équipements de travail nécessaires, (…) en vue de préserver leur santé et leur sécurité.

Si les mesures prises concernant les équipements de travail ne sont pas suffisantes pour assurer la sécurité des salariés, l’employeur prend toutes autres mesures nécessaires concernant l’organisation du travail ou les procédés de travail.”

L’employeur doit “mettre à disposition les équipements de protection individuelle” appropriés et il doit “veiller à leur utilisation effective“.

Article R4224-16

Enfin, le chapitre IV “Sécurité des lieux de travail” du Livre II fait état de l’obligation faite à l’employeur d’assurer les premiers secours.

“En l’absence d’infirmiers, ou lorsque leur nombre ne permet pas d’assurer une présence permanente, l’employeur prend, après avis du médecin du travail, les mesures nécessaires pour assurer les premiers secours aux accidentés et aux malades. Ces mesures qui sont prises en liaison notamment avec les services de secours d’urgence extérieurs à l’entreprise sont adaptées à la nature des risques.”

Risques liés à certaines activités

C’est étonnamment dans des Livres dédiés aux risques liés à certaines activités que le travail isolé est cité avec précision.

Travaux de maintenance et réparation des ascenseurs, monte-charges et apparentés

Les articles R4543-19 à R4543-21 du Livre V, Chapitre IV du Code du travail  concernent spécifiquement les interventions de maintenance et de réparation sur des équipements tels que les ascenseurs, monte-charges, escaliers mécaniques, , etc…

L’article R4543-19  énonce clairement : “Un travailleur isolé doit pouvoir signaler toute situation de détresse et être secouru dans les meilleurs délais.”

L’article suivant interdit certaines tâches aux travailleurs isolés dans ces secteurs. Par exemple, tout travail “comportant le port manuel d’une masse supérieure à 30 kg, la pose ou la dépose manuelle d’éléments d’appareils d’une masse supérieure à 50 kg.”

Enfin l’article R4543-21 stipule que certaines tâches ne peuvent être accomplies par un travailleur isolé que sous certaines conditions très strictes : il ne peut intervenir sur le toit d’un ascenceur en mouvement que si la prévention du risque de chute est assurée et si l’équipement a un dispositif de commande de manœuvre assurant la sécurité de l’intervenant.

Travaux réalisés dans un établissement par une entreprise extérieure

Les articles R4512-13 et R4512-14  concernent spécifiquement les travaux réalisés dans un établissement par une entreprise extérieure.

Le chef d’entreprise doit prendre les mesures nécessaires “pour qu’aucun travailleur ne travaille isolément en un point où il ne pourrait être secouru à bref délai en cas d’accident.”

Travaux en hauteur

Concernant les travaux en hauteur réalisés à partir d’un plan de travail, quand des dispositifs de protection collective ne peuvent être mis en œuvre, la protection individuelle doit être assurée au moyen d’un système d’arrêt de chute. Et surtout “un travailleur ne doit jamais rester seul, afin de pouvoir être secouru dans un délai compatible avec la préservation de sa santé.” (Article R4323-61)

Manœuvres de camions et d'engins

Dans le domaine du bâtiment et du génie civil,  le conducteur d’un camion ne peut pas être seul s’il doit faire une manœuvre, notamment  de recul, dans des conditions de visibilité insuffisantes. 

L’article R4534-11 du Code du travail stipule qu’ “un ou plusieurs travailleurs dirigent le conducteur et avertissent, par la voix ou par des signaux conventionnels, les personnes survenant dans la zone où évolue le véhicule.”
Les mêmes précautions doivent être prises lors du déchargement d’une benne de camion.

Levage de charges

Le poste de manœuvre d’un appareil de levage est disposé de telle façon que le conducteur d’un poste de manœuvre d’un appareil de levage de charge doit pouvoir suivre des yeux les manœuvres de l’appareil.
Si ce n’est pas possible, il ne peut pas poursuivre ses manœuvres seul. Des collègues doivent pouvoir l’informer sur le déplacement de sa charge.

L’article R4323-41 précise que “des mesures d’organisation sont prises pour éviter des collisions susceptibles de mettre en danger des personnes”.

Travaux en puits ou galerie

Article 4534-51 du code du travail : “Tant qu’il y a des travailleurs dans une galerie souterraine ou au fond d’un puits, la présence d’un travailleur est requise en permanence pour la manœuvre du treuil.
Lorsque la profondeur d’un puits dépasse six mètres, le service d’un treuil mû à la main est assuré par deux travailleurs au moins.”

Travaux électriques hors tension et sous tension

Le décret n°88-1056 du 14 novembre 1988 stipule dans son article 49 que “Pour les installations des domaines BTB, HTA et HTB, les travaux doivent être effectués sous la direction d’un chargé de travaux, personne avertie des risques électriques et spécialement désignée à cet effet”.

Travaux exposant à un risque de chute dans l'eau

L’arrêté du 28 septembre 1971 fixant des mesures de prévention contre le risque de noyade lors des travaux d’extraction par déroctage ou dragage en fleuve, rivière ou plan d’eau précise dans son article 13 qu’un salarié ne peut intervenir seul en cas de risque de chute :

Dans les travaux exposant au risque de chute dans l’eau un ouvrier doit rester constamment visible d’un autre membre du personnel.

Travaux forestiers et sylvicoles

Trois articles (Articles R717-82 à R717-82-2) du code rural et de la pêche maritime régissent le travail isolé pour les travaux forestiers. 

De manière générale, le travail isolé doit être évité.

Quand ce n’est pas possible, l’employeur prend les mesures permettant de garantir la sécurité de ses salariés : “Il détermine en particulier les mesures techniques ou organisationnelles nécessaires permettant que l’alerte soit donnée en cas d’accident et que les premiers secours soient dispensés dans les plus brefs délais.”

L’article R 717 82-1 interdit certains travaux sur bois en situation de travail isolé.

Travailleurs de moins de 18 ans et travail isolé

Le décret n° 2017-1473 du 13 octobre 2017 relatif à la protection des jeunes travailleurs âgés de moins de dix-huit ans embarqués à bord des navires consacre un alinéa au travail isolé dans sa sous-section 2 / Article 14 :
Il est interdit sur tout navire d’affecter tout jeune travailleur de moins de dix-huit ans : (…) 8° A tout travail isolé où un secours ne pourrait être porté à bref délai en cas d’accident.”

Travaux spécifiques aux mines et carrières

L’article 5 de la section 1 du chapitre 1er du décret n° 2021-1838 du 24 décembre 2021 fixant certains compléments et adaptations du code du travail spécifiques aux mines et carrières en matière de règles générales” spécifie que : Tout travailleur isolé fait l’objet d’une surveillance adéquate ou lui permettant de rester en liaison par un moyen de télécommunication. Les modalités de cette surveillance sont consignées dans le document unique d’évaluation des risques prévu à l’article R. 4121-1 du code du travail.”

Cet article sera mis à jour au fur et à mesure de l’évolution des textes.

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